Interview : les fonds européens décryptés par Céline Fontaine 

Céline Fontaine, directrice technique du CPIE Vallées De l’Authie et de la Canche situé dans les Hauts-de-France s’est entretenue avec Raphaëlle Gasc, directrice de l’Union nationale des CPIE, pour partager son expérience des fonds européens et nous présenter les principaux programmes auxquels le CPIE a fait appel.  

Portrait de Céline Fontaine

Céline fait partie de la communauté des binômes référents. Il vous est donc possible de la solliciter via notamment l’outil Slack.

 

 [N.B.]: c’est possible d’avoir 20% d’avance sur demande justifiée, mais ces 20% sont déduites de la première remontée de dépenses

RAPHAËLLE GASC : Céline, vous avez une expérience de terrain très riche sur l'accès aux fonds européens. Pouvez-vous nous dire quels sont les principaux programmes de financement que vous avez utilisés et dont vous avez pu être bénéficiaire ?  

CÉLINE FONTAINE : Depuis 2008, nous avons travaillé sur plusieurs fonds européens soit en tant que porteur de projet, soit en tant que bénéficiaire. Nous avons été concernés par sept fonds différents : le FEDER, Interreg, le FSE, Leader, LIFE et le FEAMPA. Nous avons aussi candidaté sur un Erasmus+, mais le projet n’a pas été retenu.

RAPHAËLLE GASC : Vous mentionnez le FEDER (Fonds européen de développement régional). Pouvez-vous nous expliquer son fonctionnement, ses avantages et contraintes ?  

CÉLINE FONTAINE : Le FEDER est un fonds régional qui soutient des projets de développement économique et environnemental. Il est adossé à un diagnostic régional et à une stratégie définie par la Région. Nous avons déposé plusieurs projets dans les Hauts-de-France. Une difficulté majeure est le délai de remboursement, qui peut aller jusqu'à deux ans. De plus, nos projets portent sur notre territoire de label ce qui est un frein pour toucher des fonds qui seraient plus facilement accessibles si ils concernaient un projet d’ampleur régionale. Par ailleurs, pour cette nouvelle période, il peut être possible d'accéder à une option de coût simplifié, ce qui allège la charge administrative.  

RAPHAËLLE GASC : Je crois savoir que le programme Interreg est imbriqué dans le FEDER, en quoi diffèrent-t-ils ? 

CÉLINE FONTAINE : Les programmes Interreg et FEDER sont des programmes distincts avec leurs propres règles de fonctionnement, mais sont tous financés par le fonds FEDER. Interreg étant spécifique aux coopérations transfrontalières. Nous avons collaboré avec des partenaires irlandais, allemands, belges,néerlandais et historiquement anglais (avant BREXIT), sur plusieurs projets mais n’avons jamais été chef de file. 

RAPHAËLLE GASC : Des partenaires étrangers : quelles sont les contraintes que cela implique ? 

CÉLINE FONTAINE : Trouver des partenaires est un enjeu crucial. Nous avons souvent été contactés via des cellules d'accompagnement régionales. La sélection étant très compétitive un contact avec ces cellules en amont est un plus et permet souvent d'accélérer le processus.  De plus ce programme impose une forte rigueur administrative et dépend de la capacité de coordination entre tous les partenaires.  Cependant il y a un avantage non négligeable, celui de la régularité des paiements, tous les six mois, contrairement au FEDER qui est plus aléatoire. 

RAPHAËLLE GASC : Autre fonds qui a la réputation d’être contraignant : le FSE (Fonds social européen). Vous en avez été bénéficiaire, quels ont été les défis à relever ? 

CÉLINE FONTAINE : Le FSE est très exigeant en termes de justification. Un des gros problèmes est qu'ils peuvent demander des pièces justificatives longtemps après la fin du projet, ce qui rend la gestion très compliquée. Nous avons déjà été confrontés à des demandes de remboursement sur des fonds déjà versés. Par exemple, nous avons travaillé pour la région et le département du Pas-de-Calais sur des formations d’insertion socioprofessionnelles et avons dû justifier des formations et prouver la présence des bénéficiaires à la demi-journée près.  

RAPHAËLLE GASC : Le programme Leader particulièrement adapté aux territoires ruraux a été mentionné également. En quoi est-il différent des autres fonds ? 

CÉLINE FONTAINE : Leader permet de financer des projets de développement local en milieu rural. Nous avons participé à plusieurs programmes Leader, notamment sur des projets de sensibilisation à l'énergie et avons été en échange avec des partenaires internationaux. L'avantage est qu'il peut être plus accessible en fonction des territoires, mais c’est souvent le dernier programme à commencer durant la période de programmation. Ainsi, sur la programmation actuelle 2021-2027, notre territoire LEADER devrait seulement être conventionné…. cette semaine et donc commencer à initier des projets 4 ans après le début de la programmation !

RAPHAËLLE GASC : Avez-vous exploré d'autres programmes (Erasmus+, LIFE et FEAMPA) ?  

CÉLINE FONTAINE : Oui. Nous avons déposé un projet Erasmus+ avec des partenaires polonais et islandais mais il n'a pas abouti. Nous avons aussi été impliqués dans un projet LIFE en tant que bénéficiaire d’un projet piloté par une autre structure et dont l’UNCPIE était partenaire. Enfin nous avons collaboré sur un projet FEAMPA (Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture) avec le CPIE Flandre Maritime, pour la sensibilisation des pêcheurs sur les impacts de leurs activités.  

  

RAPHAËLLE GASC : Nous l’avons vu, il existe une multitude de fonds qui ont chacun leurs spécificités et leurs modalités de remboursement. Quels conseils donneriez-vous à une structure qui souhaite se lancer dans les fonds européens ?  

CÉLINE FONTAINE : Tout d’abord, il faut bien se renseigner sur les programmes, lire attentivement leur cahier des charges et ne pas hésiter à poser des questions aux autorités de gestion et aux animateurs des programmes. Chaque région a son approche spécifique des fonds européens selon ses priorités politiques. En ce qui concerne nos Interreg, il faut aussi savoir écrire et parler anglais. J’ai beaucoup investi pour me former et pratiquer ces dernières années.  

Les programmes étant en constante évolution, je conseille aussi de participer aux webinaires d’information et d’avoir des contacts régionaux réguliers. Il est important de documenter de façon détaillée chaque dépense et action dès le début du projet et de bien anticiper chaque pièce justificative. Et surtout garder en tête les délais de remboursement car l’Europe ne fait pas d’avance [N.B.]. Se lancer dans les fonds européens suppose d’avoir augmenté en amont la trésorerie du CPIE.  

RAPHAËLLE GASC : Au niveau financier, comment faire face au long délai de paiement ? 

CÉLINE FONTAINE : Malgré nos anticipations nous avons eu dû recourir au dispositif de cession Dailly auprès de notre banque qui nous permet d’obtenir une avance sur les financements européens en attente de remboursement, mais cela a aussi un coût. Par ailleurs, sur les projets à cofinancement, il faut faire attention, à ceux affichés au montage car s'ils ne paient pas la totalité, l’Europe ne nous paie pas la totalité non plus. De plus, ça permet d’éviter de corréler et d’augmenter les délais puisque l’Europe ne paie pas tant que le cofinanceur n’a pas payé. Nous avons donc aussi appris à structurer nos projets pour maximiser nos chances de succès.  

RAPHAËLLE GASC : Malgré ces difficultés, pourquoi se lancer dans l’aventure des fonds européens ? 

CÉLINE FONTAINE : L’accès à ces financements permet d’avoir une vision plus ambitieuse et de tester de nouvelles approches. Sans ces financements, certaines expérimentations n’auraient pas vu le jour. 

RAPHAËLLE GASC : Pour finir, quel avenir pour les fonds européens ? Pensez-vous que l’accès aux fonds européens va évoluer dans les prochaines années ?  

CÉLINE FONTAINE : Les programmes sont en place pour des périodes de 7 ans. Actuellement nous sommes dans la programmation 2021-2027. L’enveloppe budgétaire reste importante, mais la tendance est à un renforcement des exigences administratives lors du dépôt. Il faudra s’adapter et professionnaliser encore plus la gestion des dossiers pour capter ces financements.  

RAPHAËLLE GASC : Merci beaucoup pour ce partage d’expérience précieux !  

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